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Prévenir l'anémie: pourquoi "fer"…?

L'anémie, c'est la "diminution du nombre de globules rouges du sang et de leur teneur en hémoglobine, dont les principaux symptômes généraux sont: la pâleur, la fatigue, l'essoufflement et l'accélération du pouls, des syncopes, des vertiges, des troubles digestifs" (dictionnaire Petit Robert).
Dans le milieu sportif, on parle souvent "d'anémie ferriprive" (qui résulte d'un déficit en fer). En effet, ce minéral (ou oligo-élément pour certains) est essentiel aux sportifs d'endurance. Sans lui, l'hémoglobine (située dans les globules rouges) ne peut pas transporter l'oxygène dans le sang vers les muscles. Or l'organisme renouvelle quotidiennement environ 0,8% de ses globules rouges. Un apport insuffisant en fer combiné à une forte activité d'endurance (qui en augmente les pertes) peut aboutir à l'anémie.

Mais alors, "quoi fer" dans ce cas? "La barre de fer, bien sûr"…non, là je m'égare, l'humour ne guérit pas d'une anémie!

Tout d'abord, si l'on se sent fatigué, il est bon de s'assurer du type de fatigue ressentie. Toute fatigue n'est pas synonyme d'anémie. Parfois, une semaine de coupure et c'est reparti "comme en 14" (mais pas comme en 94…cette année là, j'ai fait une anémie sévère, ce n'est pas facile à vivre! Sommeil sans arrêt et envie continuelle de m'allonger, difficulté à monter 10 marches de suite, essouflement à la moindre côte…et performances catastrophiques + malaises à l'arrivée de la plupart de mes courses!).
Pour savoir si l'on manque réellement de fer, il faut procéder à un bilan hématologique. Une prise de sang permettant de doser les globules rouges, l'hémoglobine, l'hématocrite et la ferritine notamment. Attention, le taux de fer peut commencer à chuter alors que celui de l'hémoglobine est encore normal. Chaque élément a sa cinétique particulière. En revanche, la ferritine semble un bon indicateur du risque d'anémie. "On considère ainsi que, chez le sportif, un taux de ferritine inférieur à 60µg/l indique l'existence de réserves réduites au minimum, et qu'en dessous de 20µg/l on peut diagnostiquer une déplétion totale. Mais à ce stade le taux d'hémoglobine peut encore être normal" (Riché (Denis), "Guide nutritionnel des sports d'endurance", 2ème édition, Vigot 1998). Denis Riché parle de "l'importance d'une détection précoce des déficits, ce que permet la mesure du taux de ferritine". Le dosage de la ferritine est important car le simple relevé de la teneur en globules rouges peut être trompeur: en effet, la pratique sportive entraîne une augmentation du volume circulant (volume plasmatique, quantité totale de sang) qui peut porter à croire à une anémie, alors que le même nombre de globules rouges est simplement dilué dans un peu plus de liquide.
NB: le livre de Denis Riché dont il est question ici propose un intéressant questionnaire pour estimer notre statut martial (martial est l'adjectif relatif au fer, en raison de la forte teneur en fer de la planète Mars, qui lui donne sa couleur rougeâtre. Attention mesdames: vous risquez plus l'anémie à cause des règles (pertes de sang, donc de globules rouges).

Bref, pour savoir si l'on risque l'anémie, il faut un bilan sanguin, mais celui-ci peut être délicat à interpréter, d'autant que le dosage de la ferritine n'est plus autorisé en première analyse chez les médecins (réduction des coûts pour la Sécu oblige). On considère classiquement qu'au dessus de 13mg/l d'hémoglobine ça va ; qu'en dessous de 12mg/l d'hmgb, on est en situation d'anémie. En 1994, j'étais descendu à 10,2g d'hmgb, 32 d'hématocrite et moins de 5µg/l de ferritine…aïe!

Dans tous les cas de figure, que la fatigue soit due à une légère baisse du taux de fer ou à une réelle anémie, la première mesure qui s'impose, c'est le REPOS. Se reposer n'est pas "rouler moins fort". Il faut bien faire la différence. De nombreux cyclistes pensent qu'en roulant "un peu moins", ils vont refaire leur stock de fer. Non, rouler un peu moins et un peu moins fort, c'est indiqué en cas de fatigue passagère sans anémie. En revanche, il faut savoir que les stocks martiaux se reconstituent très lentement, l'organisme n'assimilant qu'une petite partie de ce qui est contenu dans les aliments (nous y reviendrons). Or, chaque effort d'endurance puise dans les stocks de fer (déjà entamés) de l'organisme. En outre, certains disciplines (comme le vtt, la course à pied) sont plus sujettes aux pertes que d'autres, pourtant "d'endurance" elles aussi.
Pourquoi? Parce que du fer est éliminé par la sueur (or on sue plus en vtt que sur route à cause de l'intensité de l'effort et de la moindre ventilation) ; parce que les pertes martiales dépendent aussi de l'intensité de l'effort d'endurance (or l'effort des compétitions vtt est très soutenu, sans temps mort) ; parce que les sports "à chocs" (course à pied, vtt) accélèrent le transit, ce qui diminue la quantité de fer retenue par l'organisme, et surtout conduisent à des micro hémorragies locales, à l'origine d'une perte de sang dans les selles (pas celles des vélos!).

Bref, les stocks se reconstituent lentement et les pertes en fer existent dès qu'on pratique un sport d'endurance. Il faut donc du repos, et il faut accepter d'être patient! Vouloir se "remettre" trop vite peut conduire à la tentation de méthodes trop "puissantes" (accepter une piqûre de fer, c'est déjà accepter de se faire piquer pour retrouver son niveau de performance…).
Suivant la gravité de l'anémie, le repos doit être plus ou moins long. Quand j'ai fait ma grosse anémie en 1994, j'ai laissé tomber toute activité d'endurance pendant 3 semaines, puis je me suis orienté pendant 3 mois vers la compétition de descente…un intermède sympathique et "récupérateur" bien utile pour un crosseur fatigué. L'occasion de refaire ses stocks de fer…et de technique!

Bien sûr, dans tous les cas de figure (même en dehors de toute carence), un sportif d'endurance doit orienter son alimentation de manière à ce qu'elle apporte plus de fer. Parce que (les études le prouvent), prendre des comprimés, voire avoir recours aux piqûres, ça fait remonter les taux, mais c'est dangereux pour la santé (production de radicaux libres cancérogènes, surmenage du foie, risque d'hémochromatose, etc.). Il faut réserver le traitement médicamenteux aux anémies sévères. En 1994, j'avais dû prendre du Tardyféron pendant deux mois…

Comment obtenir une alimentation qui apporte plus de fer? Sachez d'abord que le fer animal est le mieux assimilable par l'organisme (viandes, poissons, crustacés…on parle de fer "héminique"). Par exemple, le fer contenu dans le riz est assimilé à 1%, celui du veau à…20%. Une exception positive: le soja, dont le fer est similaire à celui des produits animaux. Exceptions négatives: les œufs et les produits laitiers. Autres inhibiteurs de l'assimilation du fer: le thé, les épices, mais aussi l'excès de sucres rapides et le tabac, qui augmentent les besoins en vitamine C (voir plus loin)…

Ensuite, il faut bien avoir à l'esprit que différents aliments contiennent plus ou moins de fer. Tordons d'abord le cou au mythe des épinards, dont la teneur présumée provient d'une erreur de virgule largement diffusée au début du 20ème siècle…notons ensuite, pour reprendre l'exemple du riz, que le riz complet contient nettement plus de fer que le riz blanc (idem pour les autres céréales). Donc, même si le taux d'assimilation est faible, autant se servir dans les aliments qui contiennent plus de fer au départ!

Il faut aussi savoir que le fait de manger un produit animal au cours d'un repas, outre sa propre teneur en fer, augmente le taux d'assimilation du fer des produits végétaux. C'est le moment de mettre des lardons dans la salade…mais pour faire moins gras, on peut mettre du jambon ou des fruits de mer!

Autres substances qui favorisent l'assimilation du fer: la vitamine C, l'acide citrique et le fructose (sucre des fruits, en gros). Mangez des fruits! Surtout eux qui contiennent beaucoup de vitamine C, (oranges, citrons, pamplemousses, kiwis, fraises, abricots, fruits exotiques, agrumes…), mais aussi des légumes verts frais, de l'oignon, du persil frais (pas en boite…la vitamine C est très fragile!).

Résumons nous: pour augmenter ses apports en fer sans tomber dans une alimentation extravagante, on peut forcer sur les fruits (ou jus de fruits fraîchement pressés) et les céréales complètes le matin, remplacer le lait par une boisson au soja au petit-déjeuner et pourquoi pas ajouter une tranche de jambon ou de bacon. On n'oublie pas de forcer sur les fruits et légumes à chaque repas, on met du persil dans les salades, on mange un peu de produits animaux à chaque repas (quelques aliments très riches en fer: le boudin noir, le foie de veau, le pigeon, la farine ou les pousses de soja, les lentilles, les huîtres et les légumes secs, le quinoa…). Si on utilise du sucre, on le remplace par du fructose (miel par exemple. En outre le fructose est plus sucrant que le saccharose, on y gagne au niveau calorique). On évite de consommer trop d'œufs et de produits laitiers.

Un exemple de repas pour qui veut un apport intéressant en fer:

Entrée: salade - tomates - lentilles + citron pressé + persil
Plat principal: foie de veau + riz complet - haricots verts + 1 verre de vin rouge
Dessert:Fraises au fructose à la "crème" de soja (dispo en magasin diététique)
(NB: un peu de vin rouge optimise aussi les apports en fer)
(15 euros service compris! Pas de quoi s'en "fer"…)

Amusez-vous à composer d'autres menus en tenant compte des données citées plus haut!


En conclusion, il faut retenir que l'anémie est un risque réel pour le sportif (et encore plus pour la sportive) d'endurance, qu'il y a différentes manières de lutter contre mais que la meilleure parce que la plus saine est encore la prévention par le biais d'une alimentation adéquate.
Apprendre à orienter son alimentation vers une meilleure densité nutritionnelle et un apport supérieur en fer est une démarche intéressante et efficace. Intéressante parce qu'éducative, efficace parce qu'elle prévient les déficits au lieu de les combattre
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"Mieux vaut prévenir que guérir"…et pour ce faire, vous savez maintenant quoi "fer"!

Jean Paul Stephan
4 juillet 2002

 

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